Rim a dix-sept ans, l’âge de vivre des passions amoureuses dans les romans à l’eau de rose qu’elle dévore, de poursuivre l’idéal d’une existence bien sous tous rapports et de vivre une adolescence qui rêve de transgression sans en avoir les moyens. Mais, le jour où sa mère la surprend en train de fumer une cigarette, sa vie bascule dans une dimension bien différente. La cheffe de famille va déverser sur sa progéniture une avalanche de violence qui l’obligera à se réfugier chez sa tante à Casablanca. Pour revenir auprès des siens à Marrakech, elle devra se soumettre à un examen gynécologique pour attester de sa virginité. Elle réalisera progressivement que les adultes censés la protéger ne font preuve que de peu de bienveillance et que le problème dépasse largement le cadre familial.
C’est ainsi dans ce pays. Chaque soir, chaque jour, des milliers de jeunes filles de tous les milieux, toutes les origines sociales et culturelles confondues, tous âges, se prennent des patates dans la gueule, des coups de boule, se font pincer l’intérieur des cuisses avec du gros sel pour accentuer la douleur, se font arracher les cheveux par mèches entières pendant que d’autres soupirent et jouissent dans des recoins discrets ici ou là, à l’arrière de taxis, dans des chambres sordides louées à la journée, sur les plages la nuit, avec des conséquences plus ou moins lourdes ensuite, des conséquences plus ou moins transformatrices de toute une trajectoire.
Dans ce magnifique récit de formation, Rim Battal décrit d’une plume assurée et enivrante les structures patriarcales qui gouvernent le Maroc contemporain. Mais sur ces injonctions permanentes à la perfection et le contrôle oppressant du corps des femmes, la poétesse déconstruit peu à peu la société qui l’a vue grandir et se révèle comme insurgée grandiose.
