Qu’il se fasse attaquer par des chats sauvages ou des maris violents, qu’il ait maille à partir avec des cochons de décharges sauvages ou une patronne acariâtre ou que les conditions de pêche se détériorent à grande vitesse, Ike Sallas coule des jours presque paisibles à Kuniak, Alaska. C’est dans ce coin reculé du grand nord qu’il a décidé de s’établir peu après avoir purgé une peine de prison pour écoterrorisme. Il y trouve une communauté de personnages haut en couleur, un travail en mer dans lequel il excelle et un peu de répit sur les conditions climatiques extrêmes qui ravagent la planète. Une forme de quiétude intense en somme. Mais cet équilibre précaire et parfois mouvementé se trouve rapidement menacé par l’irruption dans le port de la bourgade d’une aile-voile imposante, venue tout droit d’Hollywood. A son bord, un rejeton du coin appelé Nicolas Levertov qui s’est mis en tête de réaliser un long métrage qui prendrait sa terre natale comme décor. Les promesses de célébrité et les fantasmes d’une vie matériellement plus aisée font rapidement tourner la tête des habitants mais Ike, lui, garde quelques réserves sur cet homme providentiel.
Voyons d’abord pourquoi l’Alaska. Parce que l’Alaska, c’est le bout du bout, le grand final, le der des der du rêve des pionniers. Passé l’Alaska, il n’y a plus rien, nulle part où pousser son chemin.
Chacune des pages de Ken Kesey semble plus dense que n’importe quel roman contemporain. Il nous plonge dans une œuvre à la construction virtuose qui sonde aussi bien la profonde humanité de ses personnages que leurs improbables cosmogonies et nous livre ces histoires dans une langue splendide. Lire Kesey est une expérience à nulle autre pareille et une exploration sans cesse renouvelée des potentialités de la forme romanesque. Un chef-d’œuvre.









