Au crépuscule du XVIIIe siècle, Benjamin Honey, un ancien esclave, s’installe sur une île déserte du Maine avec sa femme irlandaise, Patience. Il y plantera des pommiers dans l’espoir de ressentir à nouveau la félicité qu’il a pu éprouver auprès de sa mère dans le verger de son enfance. Cette terre aride et rude rejette la plantation mais Benjamin ne renonce pas, se rend sur le continent, troque ses talents de charpentier contre un savoir-faire de pépiniériste et parvient à cultiver des pommes sur le lopin de terre insulaire balayé par les vents. Ainsi nait Apple Island, une île coupée du monde et de la modernité mais qui s’avérera être un refuge pour les marginaux de la région.
Cent ans se sont écoulés, des catastrophes et des tempêtes ont été essuyées mais Apple Island, en 1912, est toujours habitée de doux marginaux qui charrient tous des existences contrariées. C’est dans ce contexte que Matthew Diamond, un missionnaire blanc, débarque le temps d’un été sur l’île pour instruire ces « sauvages ». Mais il se rend rapidement compte que loin d’être des ignorants, certains des résidents d’Apple Island ont développé de réels dons dans différents domaines du savoir. L’une excelle en géométrie tandis que l’autre apprivoise le latin de manière naturelle, les dons de charpentier de Benjamin Honey n’ont pas abandonné sa descendance et l’on cite couramment Shakespeare de mémoire. Cette incongruité amènera Matthew Diamond à se faire accompagner de notables et de scientifiques du continent pour qu’ils étudient ses étranges spécimens mais les événements qui découleront de cette initiative candide s’avérerons désastreux pour les habitants d’Apple Island.
Terrible, pensa-t-elle en rentrant chez elle tandis que Charlotte, Tabitha et les enfant Sockalexis se croisaient devant et entre la file d’adultes qui s’éloignaient de l’école le long du chemin. Terrible comme les bonnes intentions se révèlent presque toujours efficaces.
Derrière cette fresque historique, inspirée de faits réels, Paul Harding questionne le caractère interventionniste de l’état dans des organisations qui ne s’y sont jamais confrontées. Il y développe une galerie de personnages tous plus attachants les uns que les autres et qui nous interpelle sur notre conception de la normalité dans un roman bouleversant et épique. Il souffle alors sur Apple Island un vent de liberté que seuls les bons sentiments de pseudo-scientifiques engoncé dans leur certitude parviendra à briser.
